Publié le 2017-11-23 | Le Nouvelliste
Culture –
Le Festival Quatre-Chemins revient pour sa 14e édition avec comme invité d’honneur la troupe Foudizè théâtre. Cette compagnie phare du théâtre en Haïti a présenté en tout honneur les 20 et 21 novembre 2017 au Centre d’art, Anatole, une pièce de Félix Morisseau-Leroy, adaptée et mise en scène par Billy Elucien.
Joanne Joseph, Dérilus Dérilon, Clorette Hyacinthe, Johnny Zéphirin et Chelson Ermoza, ce quintet de comédiens et de comédiennes a mis le feu à la cour du Centre d’art avec leur présentation de la pièce « Anatole ». La scène se déroule dans un lakou. Fontaine de flamme arrosée de clairin et de café dans un service émaillé. Ici et là, des signes : objets de culte, poto mitan décoré de foulards colorés, percussions aux rythmes déchaînés. Nous voilà plongés dans l’espace d’un jeu scénique captivant en pleine cérémonie vodoue. Une cérémonie de passation des pouvoirs.
Les passations des pouvoirs chez nous viennent souvent avec de l’improvisation et du mécontentement, comme quoi la pièce nous conduit dans les contrastes propres à la société haïtienne. La pièce nous dépeint une réalité encore fraîche. C’est un ethno-drame qui campe l’histoire d’un père qui refuse de passer l’asson à son jeune fils, bien que ce dernier soit mûr pour s’installer dans le hounfort comme prêtre vodou. Le conservatisme des aînés au détriment de la nouvelle génération est mis en scène. Les comédiens (Johnny Zéphirin dans le rôle du père hougan, Boute, et Chelson Ermoza, dans celui de Anatole le personnage principal, fils de Boute et de manbo Sefie) se sont surpassés.
Anatole lève un voile sur le vodou. Les conflits pour le pouvoir sont touchés. La folie passagère de Ti Gason est interprétée avec brio par Dérilus Dérilon. Anatole révèle le penchant féministe du vodou. Cette religion accorde sa place à la manbo au même degré que les hommes. Manbo Sefie, interprétée avec talent par Joanne Joseph, démontre cet aspect démocratique dans la religion du peuple. Manbo Sefie est la femme au pouvoir, elle est celle qui incarne l’équilibre, l’harmonie et la joie au sein du « lakou ». Une femme forte qui reste debout même dans le malheur. L’histoire avance. On retient son souffle. Anatole a failli perdre sa vie et Boute ne survivra pas sans ses pleins pouvoirs.
Anatole accorde une grande place à la danse. La compagnie Sylla danse académie a mis des fourmis dans les jambes. Les rythmes vodous ont pris possession des corps des « hounsi », des occupants du « lakou ». La danse, le temps du Festival Quatre-Chemins, devient cette magie qui nous captive. Quel spectacle ! Le public a charmé, il a gardé le regard éveillé sur ces scènes vodouesques.

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